La saison

Je suis le vent, je suis le fleuve, je suis la forêt et les esprits qui la peuplent, je suis l’animal, je suis Lazare… je est un autre.

Nos identités sont en crise. Tous les récits collés à nos peaux sont devenus trop grands, trop faux. Le soleil les dessèche, le vent les cra-quelle, l’eau les pourrit.

Alors sur la berge, nous les déposons.
C’est une mue que nous accomplissons ici.

Et dans le fil des fictions, dans le pli des actes simples, dans l’étoffe des rencontres et des émotions, dans la mise en récit de nos existences, nous tissons de nouveaux habits.

Car au théâtre, chaque soir, il s’agit bien de vivre cette expérience, celle de l’espace qui s’ouvre sous nos pieds quand nous rencontrons notre propre altérité. Celle du travestissement qui ne trahit pas nos désirs. Celle de la traduction qui dit, dans d’autres langues, ce que nos mots n’arrivent pas à dire.

Les récits de cette saison sont une quête de l’identité. Notre guide est aveugle mais pourtant clairvoyant ; il nous invite à fermer les yeux pour mieux voir.
Il nous invite à enquêter sur l’amour et l’amitié, sur le temps et l’Histoire, sur l’événement et le rien. Il nous invite à faire de la place à l’étrange et à l’autre.

Je dis qu’il faut être voyant, se faire voyant.
Le Poète se fait voyant par un long, immense et raisonné dérèglement de tous les sens. Toutes les formes d’amour, de souffrance, de folie ; il cherche lui-même, il épuise en lui tous les poisons, pour n’en garder que les quintessences.

Arthur Rimbaud
Lettre à Paul Demeny - 15 mai 1871

Nicolas Dubourg,
directeur de La Vignette